Media Part | Raul Jungmann

22.04.2015

MEDIA PART – LE BLOG DE MARCO POL AVALLON

RÉCUPÉRATIONS DES PLUIES AU FIL DE L’EAU

Au demeurant, les attaques politiques relayées par les médias conservateurs vont se focaliser sur la présidente et son parti. Ainsi, Raul Jungmann, député du Parti Populaire Socialiste (PPS), demande au Suprême Tribunal Fédéral de revenir sur sa décision de classer les investigations contre la présidente Dilma Roussef. Dans sa demande écrite, dont la version intégrale a été publiée par Veja, le 14 mars11, M. Jungmann invoque la jurisprudence afin de contourner l’immunité présidentielle et souligne les faits imputés à la présidente par l’un des témoins à charge (sans mentionner la dénégation de l’autre, voir la version publiée dans Veja).

Le lendemain, les manifestations contre la présidente gonflent les rues de toutes les capitales sauf une ainsi que de 125 villes parcourues 900 mille à 1,7 millions de personnes selon Carta Capital12. Les manifestants auraient été mobilisés par l’intermédiaire des réseaux sociaux suite à l’indignation

provoquée par les dernières révélations de l’affaire Petrobras. Les organisateurs ne sont pas officiellement les partis d’opposition, par exemple, les caciques du PSDB n’ont pas souhaité que leur parti ait une représentation officielle au sein du cortège des manifestants13. Selon El-Pais Brasil, trois groupes auraient organisé officiellement la manifestation du 15 mars14. Ils sont loin d’avoir une position commune ne serait-ce sur la question de la destitution de la présidente ou de la privatisation de Petrobras.

Le 16 mars, une deuxième vague d’accusations révèle le nom de 27 personnalités parmi lesquelles le trésorier du Parti des Travailleurs (PT), M. João Vaccari Neto. Selon le Ministère Public Fédéral, il serait impliqué dans le détournement de 4,26 millions de reais versés et ainsi blanchis dans les caisses de son parti15. Les faits se sont déroulés d’octobre 2008 à avril 2010, sachant que le prévenu est devenu trésorier à partir de février 2010. Il aurait joué le rôle d’opérateur de liaison entre les dirigeants des sociétés sous-traitantes et son parti. De la sorte, l’étau se resserre encore autour du parti de la présidente. Au lendemain des manifestations qui lui étaient hostiles, cette vague d’arrestation ouvre une nouvelle ligne de feu aux adversaires de la présidente et de son parti. Ce faisant, ils font peu de cas des sommes restantes et de leurs « bénéficiaires » : pas moins de 292 millions de R$ détournés et blanchis ainsi que 136 millions de R$ pour faits de corruption.

Le 17 mars, d’après la Folha de São Paulo, plusieurs partis d’opposition se réunissent afin de discuter au sujet des manifestations et de la suite politique à y donner16. Participent le PSDB et DEM (même bloc au Sénat mais séparés à la Chambre des députés), le PPS (membre du bloc socialiste au Sénat et seul à la Chambre) et Solidariedade (non représenté au Sénat et seul à la Chambre). D’un premier abord, l’ensemble paraît hétéroclite d’un point de vue idéologique, car il s’agit de parti d’opposition de droite – PSDB et DEM (Démocrates) – et de centre-gauche ou censés l’être – PPS. De plus, selon la Folha de São Paulo (même article), la réunion aurait agrégé des « dissidents » de partis constitutifs de l’alliance gouvernementale : le PMDB et le PP, mais aussi des « dissidents » du Parti socialiste brésilien (PSB, le parti de Marina Silva). À la suite de cette réunion, le sénateur Aécio Neves (PSDB) transmet un communiqué à la presse17. Il déclare que la présidente et le gouvernement n’ont pas compris l’ampleur des manifestations ni la gravité de la situation. Il reprend pour le compte de la réunion précédemment évoquée, en l’assimilant « aux oppositions », l’initiative du député Raul Jungmann du PPS, à savoir la demande d’ouverture d’une investigation à l’encontre de la présidente.

Cependant, le ministre du Suprême Tribunal Fédéral, Teori Zavascki, a déjà pris sa décision le 16 mars, et le 19 mars, elle est publiée au Journal Officiel de la République18. Le STF rejette la demande d’investigation au motif que 1) la

présidente bénéficie de l’immunité constitutionnelle pour les crimes commis avant mandat présidentiel, 2) la demande est « apocryphe » : ni signée par une personne physique ni par un avocat et 3) quoiqu’il en soit les partis n’ont pas vocation à solliciter le STF sans représentation. En outre, la réponse du STF réitère dans son contenu la copie de l’extrait de sa décision du 6 mars où apparaît la contradiction entre les témoins à charge, extrait qui n’apparaît pas dans la demande transmise au STF par le PPS telle que le quotidien Veja la restitue.